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Lecramidentifiant
ISNI 0000 0003 9095 3720
DescriptionDates d'existence
1889-1984Présentation
Hasfeld, Marcel, né le 10 mai 1889 à Paris (IVe arr.), mort le 19 janvier 1984 à la maison de retraite de Sarcelles (Val-d’Oise), comptable, syndicaliste révolutionnaire et coopérateur, fondateur et directeur de la Librairie du Travail, 1917-1939.
Le père de Marcel Hasfeld, né à Varsovie (Pologne russe) en 1846, s’était expatrié pour ne pas être soldat du tsar. Sa mère était née en Grande-Bretagne, à Manchester. Mariés à Paris en 1873, ils y exercèrent, dans le quartier du Marais, le métier d’artisans en bérets d’enfants et casquettes. Neuvième et dernier garçon du couple, Marcel Hasfeld, enfant, était de santé délicate. Il a raconté comment, un peu plus tard, l’esprit de révolte et le besoin de justice s’étaient emparés de lui car, élève de l’École communale de la rue des Hospitalières-Saint-Gervais (IVe arr.) à l’époque de l’affaire Dreyfus, il eut à se mesurer avec de jeunes fanatiques de l’École des Frères de la rue des Rosiers qui prenaient à partie les enfants juifs — dont il était. À treize ans, après le Certificat d’études, il quitta l’École primaire. Il trouva un emploi de courtier chez un maroquinier de la rue Beaubourg. De là, il passa bientôt chez un confectionneur pour dames de la rue Poissonnière où il demeura deux ans. À partir de 1905, il commença à apprendre l’allemand aux cours du soir d’une Association d’employés et, en décembre, il fut embauché comme facturier aux « Forges de Vulcain », rue Saint-Denis. Le 1er mai 1906, seul de tout le personnel, il chôma, « non pour avoir prémédité ce geste, précise-t-il, mais parce que j’avais été révolté par l’attitude de la Garde Républicaine à cheval qui, de la croupe des chevaux, bousculait les grévistes ».
En 1907, Hasfeld quitta son emploi et partit en Prusse orientale, sur la frontière russe, à Eydtkuhnen, travailler en qualité de correspondancier dans une succursale de l’« Agence de douane Léon Hertz, Putter et Cie ». Son séjour dura quinze mois. Et puis, Marcel Hasfeld partit à Moscou où sa société possédait une succursale, mais son employeur rompit le contrat d’embauche quand il apprit qu’un de ses frères était un concurrent local. Le frère, qui était son aîné d’une quinzaine d’années, dirigeait une petite entreprise de vingt-cinq employés. Il hébergea Marcel Hasfeld pendant trois mois et lui fit part du projet qu’il avait conçu de le prendre plus tard comme associé, quand il aurait accompli son service militaire. Les discussions, cependant, n’aboutirent à aucun résultat. (En 1914, Marcel Hasfeld avait encore trois frères vivants. Deux, dont celui de Moscou, périrent à la guerre. Le troisième était son frère Fernand, décédé en 1964, parti très jeune en Amérique du Sud...)
Fin décembre 1908, Marcel Hasfeld se retrouva à Paris et retourna durant trois ans aux cours du soir où il poursuivit l’étude de l’allemand et de la comptabilité. Son association d’employés lui trouva une nouvelle place de facturier dans une fabrique de corsets, rue des Petits-Hôtels, où il fit la connaissance de sa future femme, Valentine Janot, ouvrière corsetière, fille d’un ouvrier carrossier. Cette femme exceptionnelle fut, par la suite, pour Marcel Hasfeld, une compagne qui, pendant vingt-deux ans, lui apporta l’aide et le soutien dont il eut besoin au milieu des épreuves qu’il dut traverser.
D’abord ajourné au conseil de révision, puis reconnu apte au service auxiliaire en 1911, Hasfeld fut affecté à la 22e section d’État-Major à Limoges. Mais il fut libéré dix jours plus tard, après visite médicale. Pendant la guerre, et jusqu’en 1917, il devra passer plusieurs autres visites avant d’être réformé définitivement. À son retour de Limoges, il obtint, par son association, un emploi de comptable dans une maison de colifichets féminins pour l’exportation. Son frère Fernand avait conseillé la lecture des Temps Nouveaux de l’anarchiste Jean Grave à Marcel et, très rapidement, celui-ci avait fait partie du groupe. Hasfeld, d’autre part, était adhérent de la CGT et c’est peu avant la guerre qu’il fit la connaissance de César Hattenberger, comptable comme lui, membre du Parti socialiste SFIO et syndicaliste, futur administrateur de La Vie Ouvrière et futur membre du Parti communiste SFIC. Hattenberger devait devenir, par la suite, son meilleur collaborateur à la Librairie du Travail.
En 1914, pendant les premiers mois de guerre, un grand découragement s’était emparé des militants non mobilisés et demeurés hostiles à l’Union sacrée. C’est à partir de la fin de l’année 1914 et surtout en 1915 qu’Hasfeld entrevit la possibilité de concrétiser l’idée qui le poursuivait : l’organisation méthodique de la propagande par l’écrit. En effet, en décembre 1914, Pierre Monatte, qu’il rencontra fortuitement, lui apprit que des militants décidés à lutter contre le courant belliciste, se réunissaient périodiquement au local de La Vie Ouvrière, 96, quai de Jemmapes. Il s’y rendit dès janvier 1915, et ses relations suivies avec les membres de ce foyer de résistance allaient lui permettre d’avoir de fréquents contacts avec Alphonse Merrheim, secrétaire de la Fédération des Métaux. Déjà, au cours de l’été, Marcel Hasfeld et quelques-uns de ses camarades, ignorant les préparatifs de la Conférence de Zimmerwald, créèrent un « Comité d’action contre la guerre » dont Lepetit était le secrétaire, mais cette organisation naissante disparut après la constitution du CRRI (Comité pour la reprise des relations internationales) dont Hasfeld devint le trésorier.
Alphonse Merrheim écrivit à Pierre Monatte pour que le local de La Vie Ouvrière fût prêté à Hasfeld qui, à partir du 11 novembre 1917, procéda à l’inventaire du fonds — livres et brochures — et y transféra sept cents volumes de sa propre bibliothèque. Une bibliothèque de prêt était ainsi fondée, début d’une longue aventure qui devait durer un peu plus de vingt ans, avec ses espoirs, mais aussi ses déceptions de toutes sortes. Le détail en est donné dans la monographie de Marie-Christine Bardouillet, La Librairie du Travail (Édition F. Maspero, 1977).
Le service de prêt fonctionna à partir de fin janvier 1918 et, dès le mois de mai, Marcel Hasfeld prit l’initiative d’éditer des brochures sur la Révolution russe qui parvenaient en France puis, à partir d’août, de lancer la série des Bonnes Feuilles (le premier texte, Aux peuples assassinés, de Romain Rolland, sera suivi d’autres). En 1922, La Librairie du Travail diffusa une brochure, Pour la Culture prolétarienne par l’écrit, « projet d’organisation », dans laquelle les auteurs, Hasfeld, Hattenberger et Clavel-Orlianges indiquaient les raisons de leurs projets et le plan de travail qu’ils avaient élaboré, insistant sur l’importance de la diffusion.
La conviction d’Hasfeld était que La Librairie du Travail devait avoir pour vocation essentielle de faire connaître les différents points de vue idéologiques qui s’exprimaient dans l’ensemble du mouvement ouvrier, et que, comme il l’écrivit à Jean Fréville, « c’est en imposant un point de vue rigoureusement déterminé, en étouffant ou en défigurant les idées des adversaires qu’on supprime dans les masses toute initiative et tout esprit critique ».
Cette volonté de tolérance fut battue en brèche. Marcel Hasfeld, qui avait adhéré au PC en 1923 après le départ de L.-O. Frossard, était intervenu contre l’exclusion du PC des syndicalistes révolutionnaires et, afin de garder une complète indépendance, avait décliné l’offre qui lui était faite de prendre la direction de la Librairie de l’Humanité. Il fut attaqué pour la publication de La Ville en danger et de Lénine 1917 de Victor Serge, accusé, avec Fernand Loriot, Dunois, Paz, etc. « d’agir comme une fraction constituée » et il lui fut enjoint de « rompre toutes relations avec l’organe contre-révolutionnaire qu’était La Révolution Prolétarienne ». En septembre 1927, l’accès au congrès de la CGTU, à Bordeaux, fut interdit à la Librairie du Travail et, en décembre, Marcel Hasfeld fut exclu du PC.
En 1928, la Librairie du Travail était constituée officiellement en coopérative ouvrière d’édition, avec Pierre Monatte comme président du conseil d’administration. À cette époque, après dix ans d’activité, elle avait publié quatre-vingt titres différents de livres et de brochures répartis en diverses rubriques. Pour tenir financièrement, Marcel Hasfeld liquida, en 1928, la Bibliothèque du Travail, - 3 300 volumes -, résultat d’un effort constant d’apports personnels de livres et de revues. C’est au cours de cette même année que la Librairie du Travail, menacée d’expulsion depuis 1920, quitta le quai de Jemmapes pour s’installer 17, rue de Sambre-et-Meuse, dans un local qui avait jusqu’alors servi de réserve. Inébranlable dans ses convictions, Hasfeld poursuivait son action malgré le boycottage qui ne fit que s’accentuer au cours des années puisqu’en 1929, la Librairie du Travail se vit interdire l’accès au congrès de la CGT comme à celui de la CGTU.
Mais, au-delà des barrières dressées devant lui et des soucis matériels qui en découlaient nécessairement, Hasfeld eut, de plus, à lutter contre l’incompréhension de la plupart des camarades qui l’entouraient. Toutes ces entraves eurent finalement raison de ses efforts tenaces. Une grave crise interne aboutit, en 1939, à la liquidation de la Librairie dont les stocks (correspondant à plus de cent trente titres d’œuvres publiées) furent vendus pour une bouchée de pain aux enchères publiques, à la Bourse de Commerce de Paris.
Les derniers appointements de Marcel Hasfeld à la Librairie du Travail dataient de 1936. À partir de 1937, il dut chercher un salaire d’appoint à l’extérieur. Il en trouva un jusqu’en avril 1939, à Paris-Soir. Après un emploi provisoire à la « La Représentation sucrière » de Pantin, il fut requis, en novembre, comme comptable, par la mairie de Maisons-Alfort puis, ayant réussi à se libérer en avril 1940, il travailla comme réviseur-comptable à la « Société de contrôle des Coopérateurs de France », rue de Provence, à Paris. Après l’exode de juin 1940, qui l’avait conduit dans le Puy-de-Dôme, les Coopérateurs lui proposèrent, en juin 1941, une place de comptable à « L’Action Ouvrière », coopérative de production de Villeparisis (Seine-et-Marne). Il occupa cet emploi jusqu’en mai 1944, en même temps qu’il faisait le porteur cycliste pour la Revue touristique d’un laboratoire pharmaceutique et des services de presse de quelques éditeurs puis il assura, à l’«Office des Comités sociaux », rue d’Anjou, une fonction de bibliothécaire jusqu’en novembre. Après la Libération, de novembre 1944 à décembre 1945, il exerça le métier de correcteur aux Journaux Officiels, quai Voltaire, puis à France-Soir jusqu’à septembre 1954, avant de prendre sa retraite au mois de décembre. Pour raison de santé, Marcel Hasfeld et sa femme entrèrent, en août 1973, à la Maison de Retraite de Sarcelles (Val-d’Oise).Fonctions et activités
Comptable- Activités syndicales
Militant politique
Responsabilités éditoriales dans des comités éditoriaux
Responsabilités au sein d'organismes nationaux et/ou internationaux Domaine
Domaine disciplinaire : SHS6 Mondes anciens et contemporains.
Sous-domaine disciplinaire : SHS6_1 Histoire.
Thèmes de recherche : histoire du travail, histoire des sociétés urbaines et des politiques publiques, histoire sociale des conflits, des guerres et des organisations internationales, histoire des migrations et des sociétés coloniales et postcoloniales, histoire sociale des représentations, histoire des mouvements sociaux, de la militance et de la politisation des mondes populaires.
Consulter les fonds en lien
Sources de la notice
Relations avec d'autres entités
- Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (Paris ; 1966-...)
Le Centre d’histoire sociale des mondes contemporains est collecteur du fonds.
- Maitron, Jean (1910-1987)
Jean Maitron est collecteur du fonds Marcel Hasfeld et des archives de la Librairie du Travail dans les années 1970.
- Librairie du travail (1917-1939)
Fondateur de l'organisme de 1917 à 1939
Réalisation : Ligeo Archives